Je l'avoue, cher lecteur, ce n'est pas exactement le genre de guide qui te sera très utile dans ta vie de tous les jours.
1) Un personnage principal inintéressant
On ne soulignera jamais assez à quel point il est crucial pour rendre sa série télévisée banale de mettre en scène un personnage principal sans intérêt. Et la meilleure façon de concevoir un tel personnage est de reprendre le concept ultra-super-méga-archétypé du Héros-Super-Doué-Incorruptible (ou HSDI).
Comme son nom l'indique, le Héros-Super-Doué-Incorruptible est un type génial : il est très très bon dans ce qu'il fait, il ne se laisse jamais corrompre par les méchants et est toujours là pour ses amis, ainsi que pour la veuve et l'orphelin. Le plus souvent, il est marié ou fiancé et à minimum un enfant en bas âge, et ferait tout pour sauver sa famille. Sauf des trucs méchants, parce qu'il a des principes. Ah oui, et parce qu'il est incorruptible. Accessoirement, c'est un homme blanc. Juste comme ça.
En outre, il a les traits usuels du héros : il est beau, il est viril, il sourit toujours face au danger, sauf bien sûr lorsque sa famille ou ses amis sont en danger, auquel cas il revers une grimace terrifiante pour que les spectateurs comprennent aussitôt que hou là là le méchant va morfler sa mère. Il porte le plus souvent une barbe de trois jours, pas parce que c'est un glandeur, mais pour mieux souligner sa virilité.
Occasionnellement, craignant que les audiences ne voient en le HSDI qu'un Marty Stu ennuyeux, les producteurs décident de lui ajouter un défaut artificiel. Généralement, il s'agit de l'un des suivants :
- Le HSDI est alcoolique. Et c'est mal. On ne le verra jamais vomir dans une ruelle, par contre. Au pire collera-t-il un pain à sa femme, mais surtout pas à son gosse, faudrait pas déconner non plus.
- Le HSDI est trop gentil. Il s'agit en fait d'un faux défaut, puisqu'au final on découvrira que le HSDI avait raison et qu'être gentil, c'est bien. Par exemple, lorsque le HSDI épargne le bras droit du grand méchant, c'est parce que ledit bras droit à un bon fond. Ordinairement, celui-ci retournera sa veste et aidera le héros en retour, parce que c'est bien de faire le bien.
2) Des personnages secondaires déjà vus mille fois
Lorsqu'une série télé est trop originale et que ses personnages sont trop complexes, le spectateur est perdu, il ne sait plus quoi penser, qui il doit vénérer de tout son cœur, ni qui il doit haïr et rêver chaque nuit de tuer dans d'atroces souffrances. Il faut donc toujours lui laisser des repères. La conception des personnages secondaires ne doit donc pas s'éloigner des sentiers battus. Au menu, nous avons :
- La gentille femme/future conquête du HSDI. Ce titre désigne la fois sa personnalité et son
Il lui arrive d'avoir un travail, à moins qu'elle ne l'ait abandonné pour s'occuper de sa famille, car il est bien connu que les gonzesses à la télé préféreront toujours leurs marmots à leur carrière, et jamais au grand jamais ne parviendront à conjuguer les deux. Dans ce cas, elle exercera presque systématiquement ses talents dans le milieu social, voire médical, preuve que c'est vraiment quelqu'un de très gentil.
L'impopularité faite femme. |
1) Divorcer du HSDI (et jamais le contraire, car le HSDI est très respectueux des Vraies Valeurs Familiales pour lesquelles ses ancêtres sont morts.)
2) Crever la gueule ouverte dans d'atroces souffrances. Voie choisie le plus souvent par les producteurs cherchant à combler leurs spectatrices qui fantasment toutes de se taper le HSDI (ainsi que les associations féministes qui commencent à en avoir plein les fesses de ces personnages qu'un cynique pourrait qualifier de stéréotypés).
- Le Fils/La Fille Adolescent(e) Rebelle Qui a Bon Fond. Il/elle passe son temps a brailler contre son pauvre père qui se tue au travail mais ne parvient pas à conjuguer ses vies professionnelle et familiale, quelque fois aussi contre sa mère. A la suite de quoi, il/elle part s'enfermer dans sa chambre pour écouter de la musique pop** de merde à fond.
Il arrive même au FARQBF de sombrer dans la drogue, c'est-à-dire qu'on le/la verra fumer un joint ou être bourrée à la bière***. C'est à ce moment qu'arrivera son papounet le HSDI pour la sauver à l'aide d'un speech formidable qui le/la convaincra tout de suite, parce qu'après tout il/elle aime quand même sa famille américaine et les Vraies Valeurs et toute la vie machin.
- Le Mioche Adorable. Le plus souvent de sexe féminin, le Mioche Adorable est un rôle conçu dans le seul but d'attendrir les audiences. Il s'agit d'un gosse tout ce qu'il y a de plus
Objectivement, le Mioche Adorable n'a aucune utilité. Ce qui n'empêchera pas les producteurs de le coller en plein
- Le meilleur ami / sidekick comique. Toujours là pour mettre de l'ambiance avec des blagues de beauf' qu'on trouvait déjà obsolètes au mésozoïque, le MA/SC sera le soutien psychologique (et accessoirement le faire-valoir) du HSDI jusqu'à la fin. Sauf dans les cas où il meurt avant (par exemple, s'il se sacrifie pour sauver le HSDI ou sa famille, dans une scène poignante et émouvante où il proclamera à nouveau sa loyauté indéfectible à son Héros de pote en lui tenant à peu près ce langage :
MA/SC : Aaaaargh, Jack (Les héros s'appellent le plus souvent Jack, c'est moins compliqué pour le spectateur)... Je... je vais crever...
HSDI : Mais non, Eugène (non, le meilleur ami du héros ne s'appelle jamais Eugène, mais ce serait marrant), tu... tu vas t'en sortir. Accroche-toi, merde.
MA/SC : Aaaaaargh, non, Jack, c'est foutu pour moi. Dis... dis à ma femme que... que j'préférais sa soeur.
HSDI : Ah ah ah, t'es trop con, Eugène ! Ha ha ha !
MA/SC : Hé... hé hé hé... Argh.
Occasionnellement, le MA/SC peut être issu d'une minorité, n'importe laquelle, on s'en fiche. Mais pas un arabe. C'est pour la télé publique, au cas où vous l'auriez oublié. Ni un amérindien, parce qu'ils sont toujours là à nous rebattre les oreilles comme quoi ils sont en voie de disparition et que leurs cultures se meurent, et que c'est de notre faute, et qu'ils avaient pas de papa et qu'ils avaient pas de maman, et nia nia nia... C'est un sidekick comique, on a dit.
- Le Faux Meilleur Ami. Mais vrai salopard. D'ailleurs, c'est sûrement lui qui couche avec la méchante femme du HSDI, ce fumier. Le Faux Meilleur Ami passe l'essentiel de la série à préparer son prochain coup fourré contre le HSDI, parce que nom de dieu c'est vraiment un salaud ce type-là. Le FMA (à ne pas confondre avec le FMI qui n'a strictement rien à voir) collabore le plus souvent avec le Grand Méchant, toujours pour de basses raisons matérielles, ou même tout simplement parce que c'est dans sa nature lâche et veule. Putain, mais quel enfoiré.
Vu que l'existence même de ce personnage a pour but de fournir aux audiences quelqu'un à haïr, il finira très souvent renversé par un camion puis écharpé par une foule en colère avant de voir ses restes dévorés par des campagnols.
Certains producteurs poussent le vice jusqu'à tenter de fournir une dimension humaine au FMA, par exemple en lui accordant une scène rien qu'à lui (souvent un flash-back) montrant que tout ce qu'il a fait, en fait c'était pour une bonne raison (sauver sa petite sœur cancéreuse, par exemple). Ça ne marche pratiquement jamais, et le FMA se fait malgré tout bousiller de la façon sus-décrite.
3) Des éléments scénaristiques que même Anne Robillard trouverait "clichés"
Peu importe si vous comptez réaliser une série de SF ou d'action, les bonnes vieilles ficelles sont là pour être utilisées.
- Le mystère central très mystérieux : Affaire de meurtre insoluble, évènements paranormaux (mais un peu quand même) ou personnage au passé trouble et sombre, rien de tel pour appâter le spectateur qu'un bonne vieille énigme bien obscure. Si obscure qu'en fait même les producteurs ne savent pas trop de quoi il s'agit. Mais bon, ça, c'est pas trop grave, ils ont encore huit saisons pour inventer une réponse. Ou pas d'ailleurs, on peut toujours raconter que c'est à chacun de trouver sa réponse ou un truc du genre.
- La conspiration qui conspire : pour bien réussir son Grand Méchant, il faut toujours l'adjoindre d'une conspiration, laquelle a ses ramifications dans toutes les entreprises et tous les gouvernement du monde, et pourra sortir le Grand Méchant de n'importe quelle situation délicate, au prix parfois de la suspension volontaire du jugement des spectateurs. Cette conspiration se compose de vieux magouilleurs riches et amoraux qui se réunissent autour d'une table dans une pièce sombre. Qu'y font-ils ? Eh bien ! ils conspirent, voyons. Ils, heu... préparent des trucs. Des trucs maléfiques. Enfin bon, là encore, les producteurs eux-mêmes ne sont pas vraiment certains de savoir de quoi il retourne, mais encore une fois, chaque chose en son temps.
- Le cliffhanger : Ce n'est pas parce que cette astuce était considérée comme usée jusqu'à la corde à l'époque ou Star Trek : The Next Generation l'employait qu'il faut s'en passer !
A chaque fin de saison (ou plusieurs fois par saison pour les producteurs vraiment à cours d'idées), il est de bon ton que le Grand Méchant menace de faire sauter une ville pleine d'innocents, que son plan de prendre le pouvoir soit sur le point de s'accomplir, ou pire encore, qu'il menace de tuer un personnage principal. Et à ce moment-là, rideau, fin de l'épisode. Diantre, quel suspense abominable.
Le malveillant Docteur Von Naziskoff parviendra-t-il à rayer Los Angeles de la carte avec son arme à rayons neutroniques ? Le Mioche Adorable survivra-t-il à l'opération miracle qui doit la soulager de son cancer du cerveau ? Le Héros comprendra-t-il que sa méchante femme le cocufie avec son meilleur pote depuis déjà quatorze épisodes ? Quelqu'un en aura-t-il quelque chose à foutre ? La réponse à ses questions dans la prochaine saison ! A moins qu'on ne soit déprogrammés.
- Le "Plot Twist" : Je ne sais pas s'il y a une traduction de ce terme dans la langue de Superdupont, mais n'importe, ça fait branché comme ça. Le plot twist, c'est ce moment où, d'un seul coup, plus rien n'est comme avant. Cette épisode où tout allait mal dans la vie du héros ? Eh bien, en fait, ce n'était qu'un rêve ! Ce moment où vous aviez cru que la gentille femme du héros était morte ? Tadam ! Elle était simplement remontée dans le temps !
Pour plus de clarté, il convient de distinguer trois types de plot twist :
- La non-révélation : (Connu aussi sous le nom de "Et le nom du coupable est... ARGH !") Une méthode excellente pour appâter le spectateur est de lui laisser croire que la clé du mystère est proche... pour au dernier moment, la lui refuser. L'exemple bateau (pourtant toujours en vogue) est la scène ou un personnage s'apprête à divulguer le nom du Grand Méchant et PAN ! se fait assassiner en plein milieu de sa phrase.
Le spectateur, piqué au vif, verra son attention décuplée par cette frustration. A moins qu'il ne l'ait sentie venir parce qu'on lui a déjà fait le coup mille fois. Jamais contents, ces gens-là...
Pour plus de clarté, il convient de distinguer trois types de plot twist :
- Le téléphoné : celui qu'on ne voyait pas du tout venir à trois kilomètres. Exemple : ce type au comportement super-louche qui a tout du suspect idéal et que le héros poursuit depuis des épisodes avant de finalement lui mettre la main dessus au terme d'une gigantesque scène d'action ? Eh bien ! Il était innocent. Ha ! On a du mal à s'en remettre, hein ?
- Le superflu : ce type de plot twist, comme son nom l'indique, n'est ni justifié ni d'aucune utilité. C'est juste histoire de. Exemple : ce personnage mort dans un accident de la route depuis deux saisons dont les spectateurs se foutent ? Il avait en fait été assassiné ! Par un type qui n'a en fait rien à voir avec le Grand Méchant de l'histoire. Mais peu importe.
- Le délirant : parfois les producteurs sont inspirés et sortent un retournement de situation qui surprend le spectateur, mais en fait, à du sens quand on y réfléchit. Mais le plus souvent... non. Exemple : alors que le HSDI est sur le point de mourir de la main du Grand Méchant, il découvre qu'en réalité... il est un robot !... Venu du futur !... Construit par des extra-terrestres ! Qui... heu... ont des pouvoirs télépathiques ou... Oh, la ferme dans le fond !
Quel suspense ! |
- La non-révélation : (Connu aussi sous le nom de "Et le nom du coupable est... ARGH !") Une méthode excellente pour appâter le spectateur est de lui laisser croire que la clé du mystère est proche... pour au dernier moment, la lui refuser. L'exemple bateau (pourtant toujours en vogue) est la scène ou un personnage s'apprête à divulguer le nom du Grand Méchant et PAN ! se fait assassiner en plein milieu de sa phrase.
Le spectateur, piqué au vif, verra son attention décuplée par cette frustration. A moins qu'il ne l'ait sentie venir parce qu'on lui a déjà fait le coup mille fois. Jamais contents, ces gens-là...
* Faut dire aussi que les spectateurs, à la différence du HSDI, a déjà vu ce genre de scénario cent fois. C'est un peu de la triche, quand on y pense.
** Eh oui, on va pas lui faire écouter du métal, c'est une émission prévue pour les chaînes publiques. Ce sale môme se rebelle contre la société, certes, mais de façon socialement acceptable.
*** A se demander comment il/elle y arrive, moi, même à jeun avec un pack de six, j'ai du mal.
**** Faut-il y voir là un complot d'Hollywood pour exterminer les diabétiques ? Nous ne pouvons exclure cette hypothèse.
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