14 octobre 2013

Le rôlisme, Satan, les chrétiens et tous leurs amis

Lecteur, lectrice, il est temps qu'on se parle honnêtement. Pratiques-tu le JDR ? Eh bien, tu dois cesser sur-le-champ ! Car à la Vérité, le rôlisme n'est pas comme tu le crois naïvement un loisir innocent et inoffensif. Ainsi que tu vas le découvrir, ce n'est rien moins que l'incarnation du Mal sur Terre, une manœuvre de Satan pour berner les jeunes ! Pour mieux comprendre ce danger, lis cet article, Jésus te l'ordonne. Et moi aussi.

1. Échec critique au jet de sauvegarde contre les fumisteries


Notre histoire idiote commence aux États-Unis ("comme beaucoup d'histoires idiotes", oui, oui, je sais), alors que Gary Gygax produisit l'un des tous premiers jeu de rôles, le célèbre Donjons et Dragons. Peu de temps après à sa sortie, le jeu provoqua une controverse. Et par controverse, j'entends que deux-trois glandus de la droite chrétienne conservatrice, visiblement terrassés par l'ennui, ont décidé qu'ils étaient offensés et de prêcher à qui voulait bien l'entendre que D&D était un jeu maléfique qui corrompait la jeunesse, la menant à la dépression, au suicide, et peut-être même à voter socialiste.

6-6-6 ! Coïncidence ?
En effet, ce jeu mettait en scène des créatures surnaturelles et permettait aux joueurs de posséder des pouvoirs magiques, les encourageant de toute évidence à pratiquer la sorcellerie ! Les joueurs sont mêmes encouragés à incarner des personnages vénérant des dieux qui -horreur blasphématoire ultime !- ne sont pas Jésus Christ ! Pire encore que tout cela, ces ouvrages maléfiques contenaient des images pornographiques, à savoir deux ou trois images de succubes et de femmes nubiles en petite tenue (c'est pas pour dire, mais même dans la Bible on trouve plus dégueulasse).

Ces reproches, au demeurant ridicules, sont particulièrement ironiques pour qui sait que Gary Gygax était un chrétien pratiquant et que son JDR empruntait énormément à la mythologie chrétienne (des paladins ? des clercs ? des anges* ? c'est sûr que ça sent tout de suite le satanisme), reprenant même sa conception de la moralité (avec les axes très archétypiques Loyal/Chaotique et Bon/Mauvais).

La grogne anti-D&D s'amplifia encore (quoi qu'elle demeura malgré tout fortement réduite, puisque même la plupart des conservateurs ne trouvait aucun intérêt à cette histoire) à la suite de la triste histoire d'Irving Pulling, dit "Bink". Pulling était un jeune lycéen américain qui, le 9 juin 1982, se suicida d'une balle dans la poitrine, "quelques heures après qu'une malédiction lui fut lancée durant une partie de jeu de rôles" d'après la presse locale. Irving Pulling était en effet un rôliste, aussi sa mère Patricia décida de ne pas chercher plus loin la cause de la mort de son fils et se lança aussitôt dans une croisade contre les horreurs innommables du rôlisme.

Pour cela, Patricia Pulling déposa plusieurs plaintes et intenta plusieurs procès à la société TSR Inc., créateurs de D&D, les accusant d'avoir mené son fils au suicide. Elle fit également de même envers le principal du collège de son fils, l'accusant d'avoir placé une "malédiction D&D" sur feu Irving. Surprise totale, les plaintes de Patricia furent déboutées.

Un rituel satanique (mené par un rouquin, de surcroît !).

Refusant de s'en tenir là, Patricia Pulling fonda l'organisation Bothered About Dungeons & Dragons . Non content d'emmerder les joueurs de D&D**, leur objectif était de cibler "la musique rock violente et liée à l'occulte, les jeux de rôles utilisant la mythologie occulte (sic) et la vénération de dieux occultes dans des situations de roleplay comme D&D, le satanisme adolescent impliquant le meurtre et le suicide, et la pornographie car elle affecte les comportements des adolescents et modifie leurs attitudes et leurs valeurs d'une façon négative.". Pulling, dans un accès de subtilité sur lequel le militant extrémiste moyen serait bienvenu de prendre exemple, affirma même que D&D utilisait "le vaudou, le meurtre, le viol, le blasphème, la folie, la perversion sexuelle, l'homosexualité, la prostitution, le cannibalisme, la divination, etc." et que le JDR en général entraînait 500 suicides par an. L'organisation publia un hilarant livret de "prévention", expliquant en détail pourquoi si tu joues à un JDR, tu finiras par violer et assassiner ton père au terme d'un rituel même pas chrétien (et ça, c'est inacceptable !).


2. Sort de Résurrection de Masse


Après la mort de Pulling en 1997, l'organisation BADD fut essentiellement dissolue. La haine anti-JDR s'effaça elle aussi... temporairement. Seul le dessinateur plus qu'à moitié fêlé Jack Chick eut le courage de s'opposer à la menace imaginaire dans une bande dessinée nommée Dark Dungeons, dans laquelle il expliqua que si vous incarnez un sorcier dans un JDR, vous obtiendrez des pouvoirs magiques pour de vrai (Jack Chick est en effet connu pour la connexion très ténue qu'il a avec la réalité).

Heureusement pour les fêlés de tous poils et de tous pays, Internet fit son entrée en scène, permettant à n'importe qui de raconter n'importe quoi et d'avoir malgré tout de l'attention. C'est ainsi que, de nos jours encore, nombre de furieuses andouilles avec beaucoup trop de temps libre s'amusent régulièrement à attribuer la responsabilité de divers crimes et tragédies au JDR, sans doute parce qu'on ne peut pas tout le temps accuser l'Islam ou les Juifs, un peu d'originalité que diantre.


Ainsi, peu après la tuerie commise par Amy Bishop à l'université d'Alabama (Huntsville, USA), le journal supposément sérieux Boston Herald affirma que c'était D&D qui avait motivé la meurtrière. L'inanité de l'article ne manqua pas de déclencher des grognements d'exaspération et des éclats de rire un peu partout sur la toile. Peu de temps après, l'ultra-ultra-ultra-conservateur Pat Robertson, sans doute en mal d'idées pour animer son émission entre deux gay-bashings, décida de reprendre le flambeau de cette ânerie : "Dungeons & Dragons literally destroyed people's lives." ("D&D a littéralement détruit la vie des gens"). Mais oui, Patty, mais oui.

Mais ne sois pas jaloux des américains, jeune lecteur français. Preuve que l'exception culturelle française n'est pas une expression dépourvue de sens, nous avons une fois de plus les mêmes à la maison, grâce notamment au très catholique site Info-Sectes (je conseille également la lecture de leur article sur Harry Potter, qui démontre sans l'ombre d'un doute que le ridicule ne tue pas) ! L'impayable site Top Chrétien avait lui aussi dédié un article hallucinant (dont voici un copier-coller sur le forum de la FFJDR) sur le même sujet, avant que celui-ci ne disparaisse, ses auteurs ayant peut-être réalisé que la communauté rôliste francophone toute entière en riait à gorge déployée. Quelques morceaux choisis pour gonfler artificiellement la taille du présent article situer le niveau :

"J'ai personnellement pris beaucoup de plaisir à raconter des albums pour enfants et à animer des « heures du conte » avec de jeunes enfants en bibliothèque, mais il y avait une règle d'entrée et de sortie de l'imaginaire, quelquefois matérialisée par ces paroles : « Cric-crac : mon histoire sort du sac » et à la fin de la séance : « Cric-crac, mon histoire retourne dans le sac »."
"[Le rôliste] peut même, dans des cas extrêmes, « passer à l'acte » et tuer quelqu'un, sans se rendre compte de la réalité et de la gravité de son geste.
"il peut finir par croire qu'il est maître de sa destinée, même si sa vie personnelle est un désastre, [...] il a alors une image de lui totalement faussée et peut se sentir d'autant plus mal à l'aise avec son conjoint, ses enfants, ses collègues de travail qui ne sont que de simples humains."
"Avez-vous déjà goûté à toutes sortes de drogues ou de poisons pour vous faire une « opinion personnelle » à leur sujet ? Non évidemment … Pour moi c'est juste la même chose."
Oui, tu as bien lu, cher lecteur. Cocaïne, méthamphétamine, cyanure, Warhammer 40K, même combat. Te voilà averti.


3. Invocation de liens


Roleplaying Games and Satanism, un article très exhaustif (tout en anglais) de l'écrivain Michael Stackpole, lui-même rôliste de longue date.
- Le jeu de rôles et la droite chrétienne aux États-Unis sur le site Places to Go, People to Be.


Ajoutons d'ailleurs que Gygax ne voulait pas voir les anges figurer dans la liste des monstres, car l'idée que des joueurs puissent tuer des anges ne lui plaisait pas.
** Ca, encore, je pourrais le comprendre, puisque je fais souvent la même chose. Mort au système D20 ! Mort à l'OGL ! Le Basic Roleplaying System triomphera !

1 commentaire:

  1. Ils ont raison les JDR ont gâcher des vies!
    Dans mon petit coin on subit l'austérité du parlementarisme impérial!
    Nos politiciens font du role playing game pour gagner leurs sièges!
    C'est à cause des jeux de rôle que tout vas de travers!
    ;)




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